Les troubles alimentaires entraînent de grandes souffrances, non seulement pour la personne concernée mais aussi pour son entourage. Découvrir la maladie d’un proche aimé est souvent un choc et peut provoquer toutes sortes d’émotions comme la culpabilité, l’inquiétude, l’incompréhension, un sentiment d’impuissance, de colère ou de solitude.
Ressentir toutes ces émotions est normal et légitime car la maladie impacte inévitablement la sphère familiale et les relations de manière générale. Il arrive que la maladie prenne tellement d’espace que les proches en oublient de s’occuper d’eux-mêmes, parfois jusqu’à l’épuisement.
Chez ABA, nous savons à quel point les proches ont eux aussi besoin d’être accompagnés et soutenus. C’est pourquoi nous leur proposons un espace dans lequel ils peuvent, selon leurs besoins, déposer leurs questionnements et leurs inquiétudes, mieux comprendre les mécanismes de la maladie, apprendre à poser des limites claires et explorer des pistes pour accompagner au mieux une personne de leur entourage en prise avec un trouble alimentaire.
Des sentiments contradictoires
La vie au quotidien avec une personne qui souffre d’un trouble alimentaire est souvent source de tensions et de bouleversements intérieurs. En tant que proche, le risque est grand de se laisser envahir par la maladie en voulant tout faire pour sauver l’autre, en s’oubliant soi-même. Pour éviter de tomber dans un engrenage de co-dépendance qui peut mener à l’épuisement, il est important de rester à l’écoute de soi et de reconnaître ses propres besoins.
Ce que peuvent ressentir les proches:
- La culpabilité. On peut se sentir coupable de n’avoir rien vu – d’autant plus lorsque la maladie est déjà installée depuis une longue période, avec parfois l’impression de s’être « fait avoir ». Mais aussi le sentiment d’être responsable, d’avoir été un « mauvais parent » ou de n’avoir pas pris suffisamment au sérieux certains signes de mal-être.
 
- L’incompréhension. Pour la plupart des gens en bonne santé, manger est un acte plutôt simple et naturel. Comment imaginer qu’avaler une simple bouchée de nourriture – ou au contraire, de ne plus pouvoir s’arrêter de manger – représente un tel combat ? Il peut être tentant de penser qu’il suffit d’un peu de volonté pour stopper les crises de boulimie ou pour manger un peu plus. Mais les choses ne sont évidemment pas si simples.
 
- La colère surtout lorsque la personne ne reconnaît pas sa maladie ou refuse de l’aide, ce qui peut conduire à un sentiment d’impuissance.
 
- La peur pour la santé et l’avenir de la personne qui souffre d’un trouble alimentaire.
 - La solitude: les proches n’osent parfois pas parler de ce qu’ils vivent, pour toutes sortes de raison, notamment l’impression de trahir un secret. Ne sachant pas à qui s’adresser, ils peuvent se sentir perdus, tomber dans l’isolement et s’épuiser.
 
Comment détecter un trouble alimentaire ?
Certains de ces signaux peuvent indiquer la présence d’un trouble alimentaire, d’autant plus lorsqu’ils s’inscrivent dans une période de transition (adolescence, rupture, deuil, séparation, grossesse, etc) ou s’ils font suite à un événement marquant comme par exemple un choc, un abus ou du harcèlement. 
- Un repli sur soi, des sautes d’humeur, une plus grande susceptibilité ou un état de tristesse…
 - Un changement de comportement alimentaire (avec par exemple une tendance à éliminer certaines catégories d’aliments)
 - Un lien compliqué et des critiques répétées vis-à-vis de son corps et de son poids
 - Une volonté affichée de perdre du poids et/ou de contrôler son alimentation en adoptant un régime particulier
 - Une importante perte ou une prise de poids dans un court laps de temps
 - La tendance à sauter des repas et à trouver toutes sortes de prétextes pour ne pas manger à la maison
 - Une prise de contrôle sur le quotidien dans différents domaines, comme les courses, la manière de cuisiner, les horaires des repas, mais aussi le ménage ou la volonté de tout planifier
 - Une consommation de nourriture importante et inhabituelle, sans qu’il n’y ait de prise de poids
 - Le fait de disparaître aux toilettes après les repas
 - Une hyperactivité physique
 - Un surinvestissement intellectuel, au niveau des études par exemple
 
Pourquoi il est si difficile de détecter un trouble alimentaire ?
Des signaux qui apparaissent tardivement
Il n’est pas rare que l’entourage ne prenne conscience que tardivement de la maladie. Les troubles alimentaires peuvent passer inaperçus, parfois durant une longue période, car ils ne sont pas forcément visibles et les signaux les plus manifestes n’apparaissent souvent qu’après un certain temps.
Des maladies cachées
En outre, les personnes qui en souffrent peuvent déployer une grande énergie à cacher ce qu’elles vivent et à montrer l’image de quelqu’un qui va bien. Cela est notamment lié à un sentiment de honte pour la boulimie et l’hyperphagie et au déni (lien bloc déni) pour l’anorexie, ainsi qu’à la peur du changement et de la perte de contrôle.
Trouble temporaire ou maladie? 
Les TCA apparaissent très souvent à l’adolescence, une période de bouleversements hormonaux, physiques et psychiques qui entraînent des comportements déroutants. Ils peuvent aussi survenir dans des périodes de transition (deuil, rupture, grossesse,…) :  difficile dès lors d’identifier si les changements alimentaires et corporels sont liés à une crise passagère ou le signal d’un TCA en train de s’installer.
Comment réagir ?
Dès le moment où l’on soupçonne un trouble alimentaire, il est important de ne pas banaliser ou d’attendre en espérant que cela passe. Même si cela peut provoquer des tensions provisoires, il vaut mieux aborder le sujet plutôt que de se taire au risque de maintenir la maladie dans l’ombre. L’idéal est d’entamer une discussion avec délicatesse pour faire part de ses préoccupations. Il arrive souvent que les personnes souffrant d’un trouble alimentaire se sentent incomprises et jugées, ce qui peut rendre le dialogue délicat.
- Comment parler ?
 
Le plus simple est d’exprimer ses inquiétudes en essayant de ne pas émettre de critique ou de jugement. Par exemple, en disant que l’on a observé qu’il/elle semble moins bien et qu’on se fait du souci.
- Eviter de se focaliser sur le poids, la silhouette ou le comportement alimentaire.
 
Ces domaines sont particulièrement sensibles et les aborder frontalement risque de provoquer un repli sur soi. Le trouble alimentaire exprime un mal-être plus profond. Pour maintenir le lien, on peut plutôt inviter son proche à s’exprimer sur ses difficultés, ses préoccupations, ses ressentis ou ses désirs.
Lorsque la perte (ou la prise) de poids est importante, il est possible de formuler ses préoccupations en étant attentif à ne pas émettre un jugement mais en évoquant votre souci et la réelle mise en danger physique que cela entraîne.
- S’informer pour mieux comprendre
 
Les troubles alimentaires entraînent des comportements qui peuvent être difficiles à comprendre pour l’entourage. Autour du rapport avec la nourriture mais aussi par des attitudes de déni et d’évitement, des sautes d’humeur incompréhensibles et parfois même ce qui apparait comme des mensonges et de la manipulation. Cela fait partie des mécanismes des troubles alimentaires. En s’informant, il est plus facile de faire la part des choses et de comprendre que ces comportements font pleinement partie de la maladie et ne sont pas volontaires ou dirigés contre soi.
Comment réagir au quotidien ?
Les obsessions autour de la nourriture font partie intégrante de la maladie. La personne qui en souffre n’a plus de contrôle ni de réel discernement dessus. Cela l’entraîne par exemple à refuser de s’alimenter suffisamment, à ne tolérer que certains aliments ou encore à vider régulièrement le frigo et les provisions et à se faire vomir après les repas.
Assister à ces comportements peut être très douloureux et difficilement supportable pour les proches : mais il ne sert à rien de vouloir la forcer à manger ou l’empêcher de faire une crise de boulimie – cela risque surtout d’augmenter les tensions et la sensation d’être incomprise.
Ces comportements sont la manifestation d’un mal-être. Reconnaître cela permet d’éviter de se focaliser uniquement sur la nourriture et le poids au risque de passer à côté de la souffrance et des causes profondes de la maladie.
- Poser des limites
 
La maladie ne doit pas empêcher de poser des limites claires pour préserver le cadre familial et le respect de l’espace de chacun. Cela peut être par exemple en exigeant le maintien d’habitudes qui sont importantes (par exemple, maintenir le temps des repas en commun et la façon habituelle de cuisiner, maintenir propre les espaces communes, exiger de respecter les provisions ou, si cela n’a pas été possible, de racheter ce qui a été consommé, etc).
L’idéal est de définir ensemble un cadre de manière créative pour tenir compte des besoins de chacun tout en reconnaissant les difficultés entraînées par la maladie.
- Ne pas se substituer aux professionnel·les
 
La personne qui souffre d’un trouble alimentaire doit faire son propre chemin vers le mieux-être. Pour elle, il peut être très difficile de reconnaitre et d’accepter sa maladie. C’est un processus qui peut prendre du temps. En tant que proche, on peut l’aider en cherchant des informations et des adresses de lieux de soins, d’associations ou de thérapeutes. On peut aussi l’accompagner dans les premières démarches de prise de contact et la soutenir dans les moments de découragement. Mais c’est à elle de décider de se lancer et de s’engager sur la durée dans un suivi thérapeutique.
Pour les mineur.es, l’idéal est qu’il y ait une collaboration entre le corps médical et la famille. Le travail en réseau permet de construire une prise en charge cohérente et rassurante autant pour la personne qui souffre d’un TCA que pour ses proches.
- Cultiver des temps hors de la maladie
 
Pour maintenir le lien, il est important de garder des moments de plaisir communs qui n’impliquent pas d’être confronté à la nourriture : une promenade, la visite d’une exposition, un cinéma ou toute autre activité compatible avec l’état de santé de son proche. Il ne s’agit pas d’occulter le problème, mais d’éviter de le mettre au centre de la relation et des discussions. Cela peut aussi être un soulagement pour la personne qui souffre d’un TCA de constater que le monde autour d’elle ne s’arrête pas et que ses proches sont présents et soutenants mais qu’ils continuent à vivre normalement.
- Prendre soin de soi En tant que proche, il est primordial d’apprendre à prendre soin de soi, à poser ses limites et à s’octroyer des moments de détente et de plaisir en gardant des activités et des contacts avec des personnes ressourçantes.
 
Peut-on obliger à consulter un thérapeute ou un médecin ?
A moins que la personne malade soit mineure ou que sa santé soit sérieusement mise en danger, il n’est pas possible de la forcer à se faire soigner. En cas de déni de la maladie et de refus d’une prise en charge thérapeutique, une piste est de l’encourager à aller au moins consulter un médecin généraliste pour un bilan de santé : les troubles alimentaires sont associés à plusieurs complications médicales qui peuvent, dans certains cas, être fatales. Prendre conscience de l’impact de la maladie sur sa santé physique représente parfois un premier pas pour la reconnaître et accepter de l’aide.
Une question de volonté?
De l’extérieur, il pourrait être tentant de croire qu’il suffit de volonté et que pour sortir d’un trouble alimentaire, il n’y a qu’à manger ou qu’à moins manger. Ces croyances renforcent une mauvaise compréhension de ces maladies et contribuent à nourrir la honte que peuvent ressentir les personnes qui en souffrent. Il arrive souvent qu’elles ne se sentent pas légitimes à demander de l’aide puisqu’elles croient qu’elles manquent de volonté pour arrêter ces comportements.
En réalité, les choses sont bien plus complexes : les troubles alimentaires sont souvent considérés comme des conduites de dépendance, une forme d’addiction comportementale au même titre que la dépendance à une substance (alcool, drogues, médicaments). Dans ce cas, tout ce qui est en lien avec la nourriture, le poids et l’image du corps devient une obsession et envahit tout l’espace psychique.
Guérir d’un trouble alimentaire n’est pas une simple question de volonté : il s’agit d’un processus complexe qui exige un cheminement propre à chaque personne pour apprendre progressivement à vivre sans la maladie.
Qu’est-ce que la co-dépendance ?
On parle de co-dépendance lorsqu’une personne fait tout pour protéger un proche des conséquences de ses comportements au point de s’oublier elle-même.
Concrètement, cela se manifeste par une difficulté à poser des limites claires dans la relation, par crainte de heurter l’autre, ou en pensant pouvoir l’aider de cette façon.
La co-dépendance se caractérise par :
- Une tendance à placer les besoins et les désirs de l’autre d’abord et à ne pas reconnaître ses propres besoins
 - Des difficultés à exprimer ses sentiments
 - La crainte d’être rejeté par l’autre
 - Une estime de soi fortement dépendante de l’approbation de l’autre
 - Une tendance à ignorer ses propres valeurs et à se conformer aux valeurs de l’autre
 - Construire l’estime de soi par une forme de contrôle de soi et des autres
 
Eviter de tomber dans ce processus exige de prendre d’abord conscience de son ressenti intérieur pour ensuite être capable de poser un cadre et des limites bénéfiques autant pour la personne malade que pour soi-même.
Qu’est ce que le déni ?
Le déni se manifeste par une tendance à nier ou à minimiser le trouble du comportement alimentaire : par exemple, par des explications autour du fait de ne pas ou peu manger (stress, maux de ventre, etc.) tout en prétendant que cela va vite revenir dans l’ordre. Cela est particulièrement fréquent avec l’anorexie.
Pour l’entourage, cela peut être perturbant car la personne dans le déni est généralement elle-même convaincue de ce qu’elle prétend : elle peut avoir l’impression de gérer la situation sans réaliser que ses comportements sont problématiques. Il se peut aussi qu’elle se perçoive avec des rondeurs malgré une extrême minceur.
Le déni fait partie de la maladie : il n’est pas volontairement dirigé contre l’entourage mais représente une sorte de mécanisme de protection et d’évitement des peurs et des angoisses.
Il arrive toutefois que le trouble alimentaire entraîne des comportements de manipulation et de mensonges conscients en lien avec le sentiment de honte et de culpabilité : par exemple, prétendre avoir déjà mangé pour éviter un repas, cacher des aliments pour donner l’impression de les avoir consommés, vomir en cachette ou tricher sur son poids.
Cela peut être source de colère, d’incompréhension et d’un sentiment d’impuissance pour les proches !
Plus vous en saurez sur la maladie, plus il vous sera possible de comprendre ces mécanismes et de vous protéger pour préserver vos liens et votre propre santé.
Vous vous interrogez sur le comportement d’un · e proche ? Vous soupçonnez un trouble alimentaire, mais vous ne savez pas comment réagir? Que vous soyez un parent, un frère ou une sœur, un.e conjoint.e, un.e ami.e, un.e collègue ou tout autre membre de la famille, n’hésitez pas à nous contacter. Nous sommes là pour vous:
Par mail : ecoute@boulimie-anorexie.chPar Par téléphone : 021 329 04 39
SE FAIRE AIDER
Vivre aux côtés d’une personne qui souffre d’un trouble alimentaire peut être douloureux et exigeant, d’autant plus lorsqu’il s’installe sur la durée. Accompagner sans s’épuiser demande d’être bien informé et d’être soi-même soutenu. Parfois, il suffit d’un petit coup de pouce et d’autre fois, un accompagnement plus durable est nécessaire.
ABA propose plusieurs prestations spécifiquement destinées aux proches :
- Les groupes de soutien spécifiquement destinés aux proches. Ces rencontres offrent un lieu de parole, d’écoute et d’échanges ouverts à tous, quel que soit leur lien avec la personne qui souffre d’un trouble alimentaire.
 - Des entretiens individuels, sur rendez-vous.
 
Vous pensez vivre aux côtés d’une personne qui souffre d’un trouble alimentaire ? N’attendez pas pour chercher de l’aide en nous contactant:
- ecoute@boulimie-anorexie.ch
 - 021 329 04 38