Pourquoi certaines personnes souffrent d’un trouble alimentaire ?
Il est difficile de définir précisément les raisons qui conduisent à un trouble du comportement alimentaire. Les causes sont toujours multiples et propres à chaque personne.
En résumé, on peut dire qu’il est étroitement lié à plusieurs sphères:
Eléments psychologiques et parcours de vie
Certains traits de personnalité se retrouvent fréquemment chez les personnes qui souffrent d’un trouble alimentaire. Parmi les plus courants :
- une mauvaise estime de soi
- une mauvaise image de soi et une forte insatisfaction corporelle
- un grand souci de réussite et de performance avec une tendance au perfectionnisme
- des difficulté à s’affirmer
- une forte sensibilité
- des formes d’anxiété et/ou de dépression.
Il se peut aussi que l’on retrouve le vécu d’un ou de plusieurs événements traumatiques tels que de la violence, des abus, de la maltraitance ou du harcèlement.
Enfin, le trouble alimentaire apparait souvent lors de périodes de transition qui peuvent être compliquées à traverser : la plus fréquente et la plus reconnue est l’adolescence. Mais cela peut aussi être le fait de devenir parent, une séparation, un deuil, la ménopause, etc.
Facteurs développementaux
La sphère familiale et l’abord des émotions dans le cadre familial
Au sein d’une même famille, un enfant peut développer un trouble alimentaire et un autre pas. Cela montre à quel point les paramètres qui expliquent l’apparition d’un TCA sont multiples. Il ne s’agit pas ici de dresser un « profil-type » de familles potentiellement à risque, mais d’identifier certains éléments qui apparaissent souvent :
- Des difficultés à communiquer et à exprimer ses émotions
- Des difficultés dans la gestion des distances relationnelles et de la séparation
- Une tendance à éviter les conflits
- Une forme de repli et un certain manque d’ouverture sur l’extérieur
- Une importance marquée pour l’apparence et des préoccupations autour du poids et de l’alimentation
- Des habitudes alimentaires très rigides ou au contraire déstructurées
- Une absence d’autonomie de la personne dans sa famille
- Une parentification (inversion des rôles parents-enfants – l’enfant doit assumer des responsabilités d’adulte)
- De fortes attentes et une tendance à souligner les performances.
Le cadre culturel et sociétal
Les troubles alimentaires sont particulièrement présents dans les sociétés de type occidental. La nourriture y est abondante en même temps que la pression de la minceur et du contrôle de soi qui sont étroitement associées à la notion de santé, de beauté, de performance et de réussite.
Cela passe par :
- Malgré l’apparition de mouvements body positivity (mouvement social en faveur de l’acceptation et l’appréciation de tous les types de corps), la mode et les communications visuelles restent centrés sur des corps minces.
- La diffusion d’images de corps présentés comme idéal sans aucune valorisation de la diversité des apparences
- Le culte de la minceur avec un encouragement à faire toutes sortes de régimes sans considération pour les besoins spécifiques de chaque personne
- Une pression permanente à « être parfait », nourrie notamment par les réseaux sociaux
- La multiplication d’appareil connectés qui encouragent à tout mesurer et à tout contrôler (activité physique, calories, etc.) au détriment du ressenti individuel
- Certains milieux reconnus pour leurs exigences au niveau de l’apparence, de la minceur et de la performance physique, regroupent un nombre de personnes souffrant d’un trouble alimentaire au-dessus de la moyenne. Ce sont par exemple et de manière non exhaustive : le mannequinat, la danse classique, le patinage artistique, la natation ou d’autres milieux sportifs.
Cette pression liée au contrôle et aux apparences s’exerce au détriment de la valorisation de la diversité et d’une réelle connexion à ses ressentis et à ses besoins spécifiques.
Cette forme de culture, totalement décalée des rythmes et des besoins personnels, amène à se couper de son ressenti et de ses sensations. A force d’être connecté et sous pression, il peut être tentant de vouloir ressembler aux modèles proposés plutôt que de valoriser ses propres spécificités.
Attention aux régimes
De nombreuses personnes qui souffrent d’anorexie ont commencé par faire « un simple régime ». Cela ne signifie pas que tous les régimes mènent au trouble alimentaire !
Mais lorsque la volonté de perdre du poids est associée à un sentiment, conscient ou non, de mal-être et à une mauvaise estime de soi, cela peut conduire insidieusement à la maladie. Se priver peut devenir une façon de se punir de ne pas être « assez bien ». Le contrôle de son alimentation et de son poids peut provoquer une forme d’euphorie qui vient contrebalancer le sentiment de ne pas réussir à « gérer » d’autres domaines de sa vie.
Facteur de maintien
Lorsque la maladie est installée, en particulier pour la boulimie ou l’hyperphagie, les tentatives de faire un régime pour compenser les grandes quantités de nourriture avalées durant les crises risquent avant tout de faire perdurer la maladie. La faim et la frustration engendrées par les privations augmentent encore le risque de faire une crise de boulimie, entretenant le cercle vicieux.
Les facteurs génétiques et biologiques
- Les dernières recherches scientifiques semblent révéler une composante génétique – avec un risque accru dans les familles ayant des antécédents de TCA.
- Il pourrait également y avoir un lien avec des anomalies au niveau des neurotransmetteurs régulant l’appétit et l’humeur. Ce champ de recherche est encore en développement
- Problèmes de poids, obésité dans l’enfance
- Puberté précoce
Pour comprendre pourquoi un trouble alimentaire apparait et persiste sur la durée, il importe de tenir compte de plusieurs éléments :
- des facteurs de risque et de vulnérabilité qui préparent un terrain potentiellement favorable à l’apparition de la maladie (traits de personnalité, périodes de transition, environnement familial et sociétal, éléments biologiques et génétiques)
- d’un ou de plusieurs éléments déclencheurs commeune période de transition mal vécue, un choc, un abus, de la violence, du harcèlement, un deuil ou tout autre événement, même s’il semble parfois ne pas être particulièrement marquant
- d’éléments ou d’un environnement qui entretiennent le trouble comme une prise en charge inexistante ou inadaptée, un environnement stressant, des habitudes, des comportement de dépendance, une incompréhension de la maladie, etc.)
Ces causes sont imbriquées les unes aux autres ce qui rend la prise en charge et la prévention de ces maladies particulièrement complexes.
Le symptôme d’une souffrance cachée
Il est important de se rappeler que le trouble alimentaire est un peu comme le sommet visible d’un iceberg, un symptôme qui exprime un malaise profond et souvent inconscient ainsi qu’une manière inappropriée d’y faire face. C’est pourquoi, comprendre les raisons qui ont conduit à la maladie ne suffit pas pour s’en sortir. Le chemin de la guérison est une invitation à donner du sens à ce qui arrive et apprendre, pas à pas, comment vivre sans la maladie.
L’adolescence, une période à haut risque
Une grande partie des troubles alimentaires se déclenchent à l’adolescence : c’est une période particulièrement à risque car elle concentre de nombreux enjeux autour du corps, de l’image de soi et de l’identité, ainsi que de l’accès à l’autonomie. Autant de questions centrales que l’on retrouve dans les TCA.
La puberté est associée à de nombreuses transformations physiques, biologiques et psychologiques. Ces changements influencent non seulement le corps mais aussi le monde interne, les affects et les émotions. Ils impliquent des remaniements psychiques chez le jeune mais aussi dans sa famille.
En pleine construction de sa personnalité, l’adolescent.e peut osciller entre un désir d’autonomie en s’affranchissant de ses parents, et un besoin de retour au cocon familial, d’où l’image du jeune « ni enfant ni adulte ». Cette phase est souvent accompagnée d’émotions intenses de peurs, de doutes, de honte, d’incertitude, etc.
Depuis quelques décennies, la puberté se fait de plus en plus tôt et avec elle, l’apparition de TCA à des âges encore plus précoces.